Interroger son désir d'enfant : un passage obligatoire?
Avec l'arrivée des contraceptifs et de la légalisation de l'avortement, avoir des enfants est devenu une démarche réfléchie. L'élan naturel est toujours là, mais aujourd'hui il n'est plus inconscient et indiscutable.
Et puisque devenir parent n'est plus un passage obligé, la question du "désir" émerge : Est-ce que j'aimerais avoir des enfants ?
C'est de cela que va parler cet article : se pose-t-on tous cette question?
Qu'est-ce qui nous amène à interroger notre désir ou non désir d'enfant ?
Et est-ce que désirer une grossesse ou un bébé, c'est désirer devenir parent?
Lorsqu'une question en cache plusieurs autres...
De nos jours, être parent n'est plus toujours une priorité.
Ce n'est d'ailleurs plus une obligation ; même si cela suscite encore beaucoup de réactions.
Mais interroger ce désir ou non-désir est inévitable.
Même si vous décidiez de faire l'impasse de cette réflexion, les autres vous rappelleront que vous êtes en âge de procréer : les parents, les amis, les collègues, les potentiels employeurs, les médecins ...
Or interroger son désir d'enfant ne se limite pas à : « est-ce que je veux des enfants ? ».
Plus largement, c'est interroger sa place dans la société : puisqu’aux statuts de citoyen adulte, de professionnel, d’enfant de, de conjoint, etc., s’ajouterait celui de parent.
C’est également interroger son projet d'avenir : comment est-ce que j’imagine ma vie dans 5 ans, dans 10 ans…, quand je serais une personne âgée ?
Par ailleurs, explorer tout ce à quoi renvoie la question de la parentalité, c’est aussi interroger les représentations que l'on a de soi :
- ses propres forces, ses faiblesses
- son rapport aux autres, notamment dans le contexte familial et conjugal
- sa capacité à vivre le quotidien avec d’autres
- son besoin ou non de transmettre ; et dans ce cas : quoi et à qui ?
- sa capacité à mentaliser avec plus ou moins d'angoisses la question de sa propre finitude ; avoir des enfants modifie profondément la notion de temporalité, et par là renvoie à l’incertitude de la durée de la vie.
- ses propres limites en matière de responsabilité à endosser
- etc.
C'est en sens qu’interroger son désir d’enfant est un passage obligatoire.
Autrement dit : cela fait partie des processus psychiques nécessaires à notre équilibre psycho-affectif.
Les processus psychiques sont toutes ces petites crises qui nous permettent de passer les nouveaux caps (se séparer des parents, accéder à la sexualité, débuter une vie d'adulte, construire un couple, faire avec le vieillissement...), tout en gardant une harmonie entre son individualité et son besoin d'être intégré à la société.
Et l’instinct maternel… ?
Il me semble en effet important de faire le point sur cette idée d’instinct qui culpabilise tant de mères qui pensent en être dépourvu.
L'idée d’un instinct maternel inscrit dans les gènes de chaque femme n'est qu'un mythe.
En effet, s’il arrive que le désir d'enfant soit parfois instinctif, pulsionnel, de nos jours il est le plus souvent complexe et engagé dans un réseau de facteurs psychologiques et sociaux.
« Et la survie de l’espèce ? La Nature n’a pas pu commettre un impair si important. » : me diront certains.
J’y répondrais que : la Femme n'est pas une femelle, elle choisit librement d'obéir à la Nature ou pas.
Et c’est ainsi qu’aujourd'hui le désir d'enfant s'interroge et se programme.
Seuls les irresponsables et les égoïstes refusent d’être parents… ?
Il est vrai que parfois la réticence à avoir des enfants est à travailler.
C’est le cas lorsqu’elle est nourrie par une peur de ne pas être à la hauteur ou par des craintes liées à notre histoire.
Cela ne signifie pas pour autant que tout le monde a le droit de vous harceler pour que vous changiez d’avis !
Si vous sentez que votre non-désir d’enfant est plutôt une peur, et que votre choix de ne pas être parent génère chez vous un conflit intérieur, cela peut valoir le coup d’en discuter avec une psychologue.
Mais si un homme ou d'une femme affirme sans pression (ni interne, ni externe) que son choix est de s'épanouir dans n'importe quoi d'autre que la parentalité, cela est une affirmation indiscutable. Cela relève de la liberté de chacun.
Il existe autant de bonnes raisons de vouloir être parent, que de vouloir ne pas l'être...
Pour les avoir souvent entendues, nous connaissons bien les "bonnes raisons" de vouloir des enfants : projet de couple accédant au titre de famille, statut social valorisant, développement de nouvelles compétences, relation épanouissante, routines perçues comme rassurantes, inscription de sa propre vie à long terme par la transmission, expérience sans nul égal, ...
Mais il existe aussi de "bonnes" raisons de ne pas être parent, voici quelques exemples :
- La société d’aujourd’hui est incertaine (chômage, attentats, pesticides, …), et par là insécurisante à plusieurs niveaux, ce qui complique la visualisation d’un projet à long terme. Certains diront : « N’est-ce pas égoïste de faire des enfants dans ce contexte? ».
- Les mouvements de société font que le désir des femmes d’aujourd’hui s'est déplacé de l'enfantement vers la carrière professionnelle.
- La maternité est une épreuve physique qui touche la femme au plus profond de son être et qui la transforme. La grossesse implique un remaniement, voire une perte du contrôle de l'image de soi ; certaines femmes le refusent.
- Accueillir un autre corps dans son corps qui se transforme à grande vitesse peut créer un sentiment d'étrangeté plus ou moins difficile à gérer, avec parfois une crainte d'envahissement.
- La grossesse, et l'accouchement surtout, rappellent notre condition de mammifère, et certaines femmes ne peuvent accepter cette nécessaire passivité animale.
- La grossesse et la parentalité peuvent également renvoyer à une représentation des liens parentaux du côté de la dépendance insupportable, du côté de l'esclavagisme.
- Etc. (les raisons liées à l’équilibre du couple, au regard de l’homme sur sa bien-aimée…)
Mais qu’est-ce que je désire au juste… ?
C’est une évidence pour vous : vous aurez des enfants.
Prenez cependant une seconde pour interroger ce désir.
S’agit-il d’un désir de grossesse ou d’un désir d’enfant ?
Un désir de bébé ou d’enfant grandissant ?
En effet désirer un enfant en soi ne veut pas dire grand-chose.
Et après...?
Impossible de ne pas interroger le désir d'enfant puisque les bébés ne disparaissent pas à l'accouchement.
Maintenant que vous êtes plus au clair, il faut préparer le passage du rêve au projet. S'imaginer à la sortie de l'école, rêver de petits pyjamas... ne relève que du rêve.
Le rêve est sain tant qu’il est un préalable au projet, mais pour passer du rêve au projet il faut se confronter à la réalité : est-ce que j'ai envie de cet engagement au quotidien, durant au moins les 20 premières années? Est-ce que j'ai vraiment envie de vivre l'expérience de la grossesse et de l'accouchement? Etc.
Et puis il ne faut pas oublier qu'un bébé se fait à deux.
D’ailleurs le désir d'enfant peut émerger contre toute attente avec la rencontre du bon partenaire pour ce projet.
Le désir d'enfant s'interroge également en incluant le conjoint : est-ce que je désire un enfant de ce compagnon-là? Est-ce que nous désirons le même enfant imaginaire? Le désire-t-il vraiment ou suis-je en train de lui forcer la main? Est-ce que je veux tenter cette aventure avec lui ; ou est-ce que je veux un enfant pour moi, un enfant qui viendra combler un manque chez moi? Etc.
Conclusion
On a autant le droit de vouloir un enfant que de ne pas en vouloir.
Si vous ne désirez pas être parent, n'écoutez pas ceux qui disent que c'est une marque d’égoïsme.
On peut évidemment se réaliser pleinement sans avoir d’enfant. On devient alors un bon parent pour soi, en transformant son désir d’enfant, par exemple, en créativité.
Et surtout n’oubliez pas que le désir d’enfant n’est pas inscrit en nous définitivement.
Le contexte peut modifier le désir : Vous pouvez rêver d’être père et finalement rencontrer la femme avec qui vous voulez rester en tête à tête. Ou au contraire ne jamais avoir envisagé cette option pour vous et rencontrer l’homme qui vous donnera envie de fonder une famille.
Restez à l’écoute de vos besoins, de vos limites, de vos possibilités.